POZNAN (Pologne) – La première semaine de négociations climat qui s’achève à Poznan (ouest) laisse un sentiment d’amertume aux pays en développement, qui attendaient des nations les plus riches qu’elles abattent leurs cartes et annoncent des engagements clairs contre le réchauffement.
Quelque 10.000 délégués de près de 190 Etats signataires de la Convention de l’ONU sur les changements climatiques (CNUCC) sont réunis à Poznan jusqu’au 12 décembre pour lancer la négociation du futur traité international contre le réchauffement et ses conséquences dévastatrices.
Ils doivent notamment s’accorder sur une “vision partagée” du combat à livrer au-delà de 2012 et des premiers engagements du Protocole de Kyoto. Mais le débat en reste pour l’heure à la guerre de tranchée.
“Les pays en développement expriment une sorte de frustration face aux ambitions des pays industrialisés qu’ils jugent encore très faibles. Ils auraient souhaité que les nations riches montrent la voie”, a reconnu le patron de la CNUCCC, Yvo de Boer, qui préfère d’ordinaire jouer l’optimisme.
Suivant les recommandations des scientifiques pour garder un climat gérable à la fin du siècle, les pays industrialisés doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 25 à 40% d’ici 2020.
“La Chine a réclamé jeudi, un peu brutalement, un engagement ferme ici même à Poznan sur cette fourchette. Avant même l’arrivée de l’équipe Obama”, qui prendra ses fonctions à partir du 20 janvier, rapporte un expert européen.
“Cette attitude agressive ne sera pas acceptable pour les Etats-unis qui ont toujours insisté pour que les engagements des industrialisés s’accompagnent d’efforts significatifs des pays en développement”, ajoute-t-il.
Dans l’accord de Bali adopté l’an passé, les nations du sud – dont les grandes économies émergentes devenues tout aussi polluantes – étaient invitées à réduire la croissance de leurs émissions de “façon significative”.
Soit, traduit par les scientifiques du Groupe international d’experts sur le changement climatique (GIEC), une réduction de -15 à -30% de la croissance des émissions d’ici 2020.
“Pour le moment, ce n’est pas une demande”, rappelait cette semaine un représentant de la Commission européenne, Artur Runge Metzger.
Mais l’Union européenne a fâché les grands pays du sud en conviant cette semaine le GIEC à exposer ses travaux sur le sujet. Même Brice Lalonde, ambassadeur français pour le Climat dont le pays préside l’UE, a admis qu’ils n’étaient “pas contents”.
L’UE pour sa part, engagée unilatéralement sur un objectif de -20% d’ici 2020, peine à faire adopter son plan climat qui lui permettrait d’y parvenir.
“Nous ne voyons pas renaître son leadership de l’année passée”, a regretté en conséquence vendredi Hans Verolme, consultant du Climate Action Network. “L’UE est tout simplement absente la plupart du temps…”.
Pour Pierre Radanne, expert français et pionnier des négociations climat depuis l’adoption de la Convention en 1992 à Rio, la colère des pays en développement est “assez légitime”.
“Après tout, ils n’ont pratiquement rien vu venir depuis le début: les pays industrialisés ont signé des engagements (à Kyoto) mais une bonne moitié ne les tiendra pas”, explique-t-il.
Il fait par ailleurs état d’une “crise de confiance” des plus démunis en raison de la crise financière: “C’est la conséquence principale, une perte de crédibilité des industrialisés qui disaient depuis des années qu’ils n’avaient pas d’argent et sortent subitement des milliards pour sauver leurs banques”…
(©AFP / 05 décembre 2008 16h28)